Quand Gaza devient un décor pour la politique-spectacle

Par Didier Buffet

Ils sont partis fièrement, voile au vent, à bord d’un petit voilier affrété pour la cause. À son bord, Rima Hassan, députée LFI, et Greta Thunberg, activiste climatique mondialement connue, en route pour Gaza avec quelques sacs de riz et beaucoup de convictions. L’image est belle. Trop belle peut-être. Car derrière la mise en scène humanitaire se cache une opération de communication savamment orchestrée, plus utile pour l’image des passagers que pour les habitants de Gaza.

Oui, cette action part sans doute d’un élan sincère. Oui, le blocus de Gaza est injuste, cruel, et pèse sur une population prise en otage d’un conflit qui la dépasse. Oui, Israël doit rendre des comptes sur les morts civils, les bombardements disproportionnés, les entraves à l’aide humanitaire. Mais ce n’est pas sur un petit voilier, ni à coups de selfies et de hashtags que l’on changera le cours de cette guerre absurde.

🎭 Une croisière morale à très faible risque

Soyons honnêtes : personne ne fera de prison. L’armée israélienne, qui a intercepté le Madleen en mer, a soigneusement évité toute bavure. Les passagers seront probablement expulsés dans les prochains jours, après quelques heures de détention administrative. Et chacun pourra rentrer raconter son acte de bravoure sur les plateaux télé.

Ce genre d’opération — désobéissance civile sous caméras — est calibré pour les réseaux sociaux. Le risque est limité, le bénéfice symbolique maximal. C’est la politique-spectacle dans toute sa splendeur : une émotion, un acte visible, un message simplifié. Mais où est la stratégie ? Où est la négociation ? Où est l’impact concret pour les civils gazaouis ?

📸 Gaza comme décor, la guerre comme arrière-plan

Dans cette affaire, Gaza est réduite à un décor. Un arrière-plan tragique pour une mise en scène morale. On vient y déposer un colis et des convictions. Puis on repart avec une belle photo, la sensation d’avoir “agi”, et un supplément de légitimité politique pour les batailles à venir… en Europe.

Cette instrumentalisation du malheur est dérangeante. Elle détourne l’attention de ce qui compte vraiment : obtenir un cessez-le-feu, faire pression diplomatique, contraindre Benjamin Netanyahou à mettre fin à cette guerre qui déshonore son gouvernement autant qu’elle dévaste Gaza.

🕊️ La paix, ce n’est pas un happening

Non, ce n’est pas sur un voilier que la guerre se règlera. La paix se construit par le dialogue, même entre ennemis, et par l’exercice brutal mais nécessaire de la diplomatie : pressions économiques, isolement international, menaces judiciaires. La France, l’Europe, les États-Unis doivent contraindre Israël à cesser ses opérations militaires et à accepter une solution politique durable. Pas applaudir en coulisses les insoumis à voile.

Faire spectacle de la souffrance ne suffit pas. Ce n’est pas en se déguisant en humanitaire que l’on devient acteur de paix. Ce n’est pas en traversant la mer que l’on traverse les murs de la haine.

Il est temps de passer du théâtre à la table des négociations. Les Gazaouis n’ont pas besoin d’images. Ils ont besoin de justice.